dimanche 13 juillet 2008

Madame Ravary

Hier je vais à la bibliothèque avec les filles.

Mine de rien, c'est notre super-trippante-sortie de la semaine, à part quand un rushe trop avec la job pour y aller. Auquel cas c'est quasiment un drame mais ca se négocie souvent serré avec les filles. Donc hier on en profite, y fait beau, le ménage est fait et les filles sont de bonne humeur.

Généralement je choisi mes bouquins puis ensuite je vais potasser des revues 'de femmes' que je ne m'achèterais jamais mais que je feuillete souvent ailleurs que chez moi.

Je tombe sur le numéro de juillet 2008 de Châtelaine, et je parcours le billet de Lise ravary, éditrice en chef.

Son thème ? L'alimentation.
Vous trouverez le texte ici :
http://fr.chatelaine.com/billet/article.jsp?content=20080521_164209_6212

je n'ai pu m'empêcher de me laisser aller à lui écrire mes commentaires sur son texte, voici le contenu :



Madame Ravary
J'ai lu hier à la petite bibliothèque de mon village votre billet de juillet 2008 intitulé "Alimentaire mon cher Watson"
J'aimerais réagir a certains de vos propos.
Mise en contexte : mon conjoint et moi habitons sur une petite ferme des Cantons de l'Est, nous sommes ce qu'on appèle 'producteurs-transformateurs' de lait de chèvre. Nous avons un troupeau de 40 laitières et nous transformons la totalité de leur lait ici à la ferme en fromages fins et en yogourt.
Il y a déjà 10 ans que nous vivons ici, nos enfants sont nés ici et l'agriculture, le 'terroir' et la ruralité sont notre réalité quotidienne.
Pour siéger sur plusieurs comités de développement local en agroalimentaire ou en développement des collectivités, je peux vous affirmer que les idées ne manquent pas du côté des agriculteur pour mettre en valeur leur savoir et leur savoir-faire. Cependant, de nombreux écueils demeurent encore, à commencer par une méconnaissance du public en général que vous reflétez par ces propos :
"L’industrialisation de l’agriculture, tant décriée par les verts et les altermondialistes, demeure quand même le seul moyen que l’humanité a trouvé à ce jour pour nourrir le plus grand nombre de personnes possible au plus bas prix possible."

À mon avis, il est tout à fait faux de prétendre que l'industrialisation agricole a une vocation de "nourrir le monde pas cher". en fait, c'est de produire ou d'acheter des denrées au plus bas prix possible pour faire la plus GRANDE marge de profit possible, et ce sont les intermédiaires qui s'en mettent plein les poches. Les deux maillons aux extrémités de la chaîne, à savoir l'agriculteur et le consommateur n'y trouvent que bien rarement leur compte.

Par exemple, dans le domaine qui me concerne, je dois affronter sur les tablettes des épiceries des fromages européens souvent de bas de gamme à des prix très bas. Pourquoi ? Parce que les fermiers (français pour la plupart, dans ce cas précis) sont subventionnés un max pour la production, puis ils le sont encore pour l'exportation. Bien des pays cultivent leurs terres avec des produits chimiques bannis ici (notre 'ami' le DDT est encore sur le marché à bien des endroits) et nos producteurs paient plus cher un pot vide pour emballer leurs cornichons que ce qu'un produit fini importé de Chine ou de l'Inde peut être payé par un grossiste canadien.
Si je me rapproche de mon marché québécois, je retrouve aussi bien des fromages industriels aux airs d'artisans (comment ne pas penser à Saputo et son Alexis de Portneuf ou son groupe Fromage Côté) mais qui sont produits à base de poudres de lait ce qui en abaisse considérablement le coût, et je sais pertinemment que mes collèges fermiers qui leur fournissent du lait sont bien souvent payés à peine au dessus de leur coût de revient. Qu'est-ce qui se passe ensuite ? Eh bien nous devons supporter ces fermes dans la misère au moyen de primes, de subventions, d'assurances stabilisation etc. Ce qui, mine de rien, nous coûte les yeux de la tête en taxes et impôts.
Il y a quelques années, les ministères (MAPAQ pour ne pas le nommer) incitaient les fermiers a se lancer dans l'aventure du porc industriel. Pourquoi ? Pour le marché japonais. Les marchés extérieurs et pas ceux du Québec ! Pendant ce temps, d'ou vient le porc que les québécois consomment ?
Des États-Unis... Déplorable, puisqu'on sait que l'on devra supporter les fermes porcines qui sont fragiles et peu rentables, les indemniser en cas de maladies à cause de la surpopulation et importer un porc de piètre qualité alors qu'on envoie le nôtre ailleurs sous nos coûts de revient. Finalement, l'eldorado porcin n'a jamais eut lieu et ce sont des intégrateurs de fermes (Breton et cie) qui reprennent les entreprises en difficulté pendant que les propriétaires exploitants se balancent au bout d'une corde dans le fond de leurs granges... Triste, triste spectacle !
Dans plusieurs pays, les paysans ont délaissé une agriculture vivrière au profit d'un modèle industriel soi-disant plus alléchant. Ces mêmes gens en sont aujourd'hui rendus a demander l'aide internationale pour éviter la famine puisque rien de ce qu'ils font pousser ne peut les nourrir au quotidien...

Vous écrivez :
'On aura beau dire que c’est bien de manger bio, de faire ses courses au marché, de choisir des aliments du terroir, mais la livre de beurre à 8 $, c’est pas pour toutes les bourses. Entre la bouffe BCBG et le baloney, il doit bien y avoir un juste milieu."

Là dessus je dois me porter en faux : les produits achetés au marché directement d'un producteur sont généralement bien moins cher, et j'insiste lourdement, que ce que vous pourriez payer au supermarché. Si on sort des boutiques 'fancy' et du sur-emballé, il y a vraiment moyen de trouver denrées à bon prix. Personnellement, depuis 3 ans je n'achète plus RIEN au supermarché et mes dépenses de nourriture ont diminué de MOITIÉ !
N'oublions pas non plus : les spéciaux des épiceries sont TOUJOURS à perte, et la quantité faramineuse de matières qui sont jetées par ces entreprises ont de quoi nous faire réfléchir, à un moment ou l'enfouissement des déchets est une problématique d'actualité et un sujet très chaud dans plusieurs municipalités du Québec.
Par exemple, si j'achète mon veau de mon voisin, je le paie 2$ la livre. Combien vaut-il en épicerie, pour la même qualité ? Peut-on justement retrouver cette qualité en supermarché ?
Mes clients achètent mon produit à
20$ le kilo lorsqu'ils viennent à la ferme ou au marché public. Un produit semblable, avec poudre et cie, se vend 32$ le kilo en supermarché. Parlons-nous toujours de "panier le plus bas" ? Justement, ce panier, ou se trouve-t-il ? Quel modèle voulons-nous voir émerger dans le futur ?

Bref, ce sujet me tient particulièrement à cœur, je vous invite si ce n'est déjà fait à lire les travaux de la commission Pronovost sur l'avenir de l'agriculture au Québec. Mon homme et moi avons été présenter un mémoire lors des auditions Sherbrookoises et nous partageons plusieurs des pistes de réflexion/solutions proposées par Pronovost et son équipe, en particulier la 14e, qui parle de mise en marché et nous incite à mettre de l'avant plus d'initiatives dites de 'circuits courts' en agriculture/agroalimentaire, qui rapprochent les citoyens des fermiers, les producteurs des consommateurs et les citadins des ruraux.

Il n'y a pas que le coût à l'achat qui est important, il y a bien plus encore. Il y a l'identité d'un pays en manque de colonne vertébrale, qui ne sait quoi se mettre sous la dent parce qu'il a perdu le lien à la terre.
C'est une fierté que de 'nourrir notre monde' mais je crois fermement qu'il y a un manque politique éhonté, et aussi un grand travail d'éducation à accomplir. J'aimerais bien que mes enfants puissent vivre dignement du travail de la terre si elles le souhaitent, qu'elles puissent être fières d'une entreprise rentable et viable plutôt qu'être à la merci des banques et des politiques alimentaires mondiales.

merci de votre attention

marypascal beauregard

Caitya du Caprice Caprin
Fromagerie artisanale

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